Séance du 4 mars 2017
Compte rendu du café li-thé-raire du 4 mars 2017
Cette session s’est déroulée chez Agnès. Nous avons parlé de Norman Mailer, d’Alice, de Fantômette , du Club des cinq, de Sukkwan Island de David Vann, du Petit Copain, de Douglas Kennedy, de Désorientale, de Pennac et de ses Mallausène.
J. R. R. Tolkien. Le Seigneur des anneaux.
Il vaut mieux le lire dans la version Folio Junior car c’est écrit plus gros ! Un méchant très méchant, Sauron, a forgé des anneaux qu’il donne aux Elfes, aux Nains, aux Hommes. Les Hobbit, petit peuple campagnard et pantouflard, est exclu de ce don. Il en forge un quatrième qui lui permet de dominer tout le monde, or il le perd ; en fait, il se le fait voler par Sméagol (hobbit surnommé Gollum, puisqu’il a changé, influencé par l’anneau) puis par Bilbon Sacquet qui le cache. Cet anneau permet, en outre, de rendre invisible. Lors de son undécante – unième anniversaire, il donne une réception ; à cette occasion, il lègue l’anneau à son neveu, Frodon. Celui – ci ne sait qu’en faire car s’il tombe entre les mains de Sauron, le mal règnera sur toute la Terre du Milieu. Dès lors, Frodon suivra les conseils de Gandalf le magicien : ramener l’anneau aux Failles du Destin, lieu où il a été forgé, afin d’annihiler le pouvoir de Sauron. Autour de cet anneau se formera la communauté de l’anneau réunissant des Hobbit, des elfes, des Nains, des Hommes.
Les livres du Seigneur des anneaux permettent de suivre exclusivement les tribulations de chaque personnage (parfois réunis en binôme : Frodon et Sam, l’elfe et le nain) ; puis, les personnages se trouvent réunis. Ce roman laisse la part belle aux descriptions des lieux (la Comté, pays des Hobbit ; Fendeval, pays des elfes réunis autour d’Elrond). Les personnages luttent, mais aucun combat n’est décrit. Ils traversent des lieux inhospitaliers, rencontrent des adversaires monstrueux et / ou inhumains : les Cavaliers Noirs, les Uruk – Hai (ces derniers étant des serviteurs de Sauron) ou Araigne, une araignée géante. A cette fresque, s’en superpose une autre : celle de la reconquête du pouvoir d’Aragorn. Il cherche à unifier et pacifier les hommes, imposer son autorité et prouver à Elrond qu’il sera un bon mari pour sa fille Arwenn.
Claire
Richard Adam, Watership Down. Toussaint Louverture
Cette histoire de lapin est un roman publié en 1972, qui a remporté un vif succès dans les pays anglophones. Il s’agit une réédition chez les éditons Toussaint Louverture qui a une vraie démarche vis-à-vis du lecteur. L’auteur est décédé en novembre dernier. Ce roman a été traduit une première fois en 1976, ici il s’agit d’une nouvelle traduction.
C’est l’histoire d’une garenne, gouverné par un chef entouré d’une milice, les Ouda. Or un lapin, Hazel, a un don : il voit les choses à venir. Il prévient la garenne d’un danger, mais personne ne le croit. Dès lors, il part avec six autres lapins pour créer une nouvelle garenne et trouver des lapines. Ils vont rencontrer d’autres dangers : les hommes, les renards, les tracteurs. Tout est raconté avec le langage des lapins et ces néologismes paraissent vrais. Par exemple, au lieu de dire ‘se balader pour trouver à manger’, les lapins disent ‘farfaler’. Les thèmes sont plutôt rigolos mais on perçoit une dimension critique. Les lapins font preuve d’une grande naïveté à l’égard du monde des hommes : ils s’extasient devant une voie ferrée, une rivière ou un bateau, ils sont même copains d’une mouette !
Ce roman est en fait une fable sur des questions métaphysiques, le pouvoir. Derrière cette histoire de lapins, on peut y retrouver l’histoire humaine. Watership Down rappelle La Ferme des animaux d’Orwell ou Le Vent dans les saules de Grahame.
Sophie
Hugh Howey, Silo. Actes sud (Babel).
Il s’agit d’un roman de science-fiction, première partie d’une trilogie sur un monde post-apocalyptique. Les humains vivent à l’intérieur de silos souterrains. La terre est désolée rendant la vie à l’extérieur de ses silos, impossible. La société est très codifiée. En haut vivent les administrateurs et les fonctionnaires. En bas, les agriculteurs (car il faut bien se nourrir) et les machines qui servent à produire de l’électricité et qui sont manipulées par des ouvriers. Les habitants ne se posent pas trop de questions Il est interdit d’imaginer sortir du silo. Même le simple fait d’y penser peut provoquer le bannissement, de ce fait on obtient ce à quoi on aspire. Les bannis sont destinés au nettoyage des silos. Bannir permet aussi de réguler la population. Les bannis meurent très vite, mais de quoi ? L’administration est assurée par un maire un shérif qui a été banni : il a découvert quelque chose qui lui permet d’imaginer un ailleurs possible. Dès lors, il faut recruter un nouveau shérif : il s’agit d’une femme qui vient des bas-fonds et qui fera office de grain de sable.
La science-fiction pose souvent la même question (avec des réponses-hypothèses plus ou moins probables) : comment vivre après une apocalypse ?
Isabelle
John Gardner, la Symphonie des spectres. Points (Signatures)
La Symphonie des spectres est le dernier roman de John Gardner publié de son vivant. En effet, l’auteur est mort à 49 ans dans un accident de moto. Il avait commencé à écrire ce roman, alors qu’il venait d’apprendre qu’il était atteint d’un cancer. Ce roman, préfacé par Fabrice Colin, a eu du succès aux Etats-Unis mais pas en France. C’est un roman largement autobiographique.
Le héros, Peter Mickelson est en quelque sorte l’alter ego de l’auteur : la quarantaine, professeur de philosophie dans une faculté de Pennsylvanie, il croule sous les dettes (suite à son divorce) et se met à boire. Pour couronner le tout, il contracte un prêt pour acheter une vieille maison, soi-disant hantée, dans les montagnes. Dans cette maison, serait né Joseph Smith, le père fondateur de la religion mormone. Il retape cette maison, les jours où il ne travaille pas à la fac. Or il se produit des apparitions, des événements étranges : sont-ils réels ou dus à l’alcool ? Il commence à devenir paranoïaque, se demandant qui lui en veut ?
Ce roman est truffé de réflexions métaphysiques autour de Nietzsche, Martin Luther, l’économie, les mormons. C’est un roman à la fois psychologique, philosophique, mais aussi un thriller. Il n’y a pas de solutions, la fin est ouverte : folie ? Alcool ? Fantôme ? Ce roman fait écho à Joyce Carol Oates pour ce qui concerne les détails psychologiques.
Isabelle
John Carter, Echec et mat. Pocket
Le héros, Talcott, est un professeur de fac noir, son université se trouve près de Washington, il est juriste de formation ; son père Oliver Garland, ancien magistrat, est mort et a été mêlé à un scandale qui lui a couté sa nomination à la cour suprême. Lors de l’enterrement, la fille d’Oliver émet une hypothèse : et si leur père avait été assassiné ? Le fils va alors être confronté à diverses dispositions (qui ne sont pas testamentaires) de son père. Cet homme multipliait les masques : féru de justice, ce professeur et juge était en fait un agent secret à la solde du F.B.I. et de la C.I.A. Talcott va enquêter pour vérifier la thèse de sa sœur. Il va mettre à jour des secrets de famille et cette enquête pour la vérité fera capoter complètement sa vie privée.
Ce roman permet de comprendre le fonctionnement de l’élection des magistrats aux U.S.A., et de rencontrer une partie de la population américaine : les noirs très riches. Ce roman n’est pas un thriller, les meurtres ne sont pas décrits.
Annie
Riad Sattouf, L’Arabe du futur. Allary
Cette BD autobiographique est composée de trois volumes à ce jour. Riad Sattouf raconte la rencontre de ses parents à l’université en France. Son père vient de Syrie, il prépare une thèse d’histoire. Comme il n’a pas de travail en France, il décide de partir pour la Lybie de Kadhafi, où il sera professeur d’université. En Lybie, tout est gratuit, mais il n’y a rien. La nourriture est rare et les chantiers inachevés. Les salaires sont bons, mais il n’y a rien à acheter. La visite de la famille syrienne montre l’écart culturel entre le père et sa famille, entre la Bretagne (d’où est originaire la mère) et la Syrie. La mère ne travaille pas et elle s’ennuie. Toute la famille rentre en France à la naissance du petit frère. Le père a du mal à s’adapter, il n’a pas de travail, mais n’a pas envie d’en trouver. Tout le monde repart pour la Syrie. Le père veut que son fils devienne l’Arabe du futur. La vie en Syrie est difficile : l’antisémitisme est latent (Riad est blond donc il est juif !), la violence règne même chez les enfants : Riad qui est chétif se fait souvent tabasser par ses cousins qui sont des brutes épaisses.
Le père est le personnage le plus intéressant : il a de grandes idées sur le futur et le progrès des pays arabes, mais il est à genoux devant sa mère ; il ne se soumet pas à la religion, il est superstitieux…Le père est entre deux cultures. Il subit la pression familiale quant à la religion...La relation entre les parents est bizarre, le père est toujours ridiculisé. C’est une BD instructive, dépaysante et effrayante dans sa description des civilisations orientales. La lecture est agréable et drôle.
Christine
Jim Fergus, Mille femmes blanches. Pocket
C’est un roman qui se passe au XIXème siècle et est basé sur des faits historiques : en 1874, Little Wolf, chef cheyenne, se rend à Washington et propose une alliance (un mariage) entre des Cheyennes et des femmes blanches pour que perdure la culture indienne par le biais de l’assimilation. Il propose un marché : mille femmes contre mille chevaux. Les blancs acceptent. Reste à trouver des femmes qui participeront à ce projet. Ces femmes viennent des prisons, des asiles, du trottoir. Le roman est en fait les carnets de l’une de ces femmes, Mary Dodd. Elle a été placée dans un asile par sa famille, elle a refusé le mariage imposé par ses parents, a vécu en concubinage avec un ouvrier de son père avec qui elle a eu deux enfants. Pour elle, ce projet est une libération. Le lecteur va lire ses carnets (fictifs), journal, lettres qu’elle rédige au jour le jour. Elle y décrit la traversée de l’Amérique vers les territoires indiens et son départ loin de la civilisation. Mary est choisie par Little Wolf pour être sa troisième épouse. Cette femme libre qui s’est opposée aux interdits de sa famille, aux interdits de la société pose son regard sur les Indiens et sur l’Histoire en marche et s’interroge sur la valeur de la civilisation indienne. Elle a un point de vue ouvert : elle est très surprise face à la dureté des travaux.
Ce roman, fait de beaux portraits de femmes libres aspirant au bonheur, s’éloigne des images des Indiens véhiculée par les blancs et rappelle Danse avec les Loups et les romans de Joseph Boyden.
Laure
Violette Ailhaud, L’homme semence
Cette nouvelle est tirée d’une histoire vraie. Un village de Provence se trouve vidé de ses hommes, tous morts à la guerre. Il n’y a plus que des femmes. Et un homme est attendu… Dès lors, le titre va de soi. Voici un extrait : «Ça vient du fond de la vallée. Bien avant que ça passe le gué de la rivière, que l’ombre tranche, en un long clin d’œil, le brillant de l’eau entre les Iscles, nous savons que c’est un homme. Nos corps vides de femmes sans mari se sont mis à résonner d’une façon qui ne trompe pas. Nos bras fatigués s’arrêtent tous ensemble d’amonteiller le foin. Nous nous regardons et chacune se souvient du serment. Nos mains s’empoignent et nos doigts se serrent à en craquer les jointures : notre rêve est en marche, glaçant d’effroi et brûlant de désir.»
La fin est très sensible, très poétique.
Laure
Hervé Le Corre, Après la guerre. Rivages noir
Ce récit est déroutant car le narrateur-personnage change souvent. On y lit des journaux intimes sur la vie, les sentiments. La première scène est une scène de torture mais c’est un roman psychologique. Ce récit se déroule à Bordeaux, après la deuxième guerre mondiale. On rencontre d’abord un policier, Darlac. Il est connu, il a beaucoup d’influence, il est mêlé à la spoliation des biens juifs et à d’autres trafics. On rencontre ensuite André Vaillant qui rentre à Bordeaux après une période d’errance / fuite à moto, puis Daniel, meilleur ami d’Alain, apprenti dans un garage. Le roman va permettre de comprendre les liens entre ces trois personnages attachants. Ce n’est pas un livre facile. Le suspense est présent jusqu’à la fin, le lecteur échafaude des hypothèses de lecture au fur et à mesure.
Christelle
Philippe Besson, Arrête avec tes mensonges. Julliard
C’est un roman à lire en trois heures, fort et puissant, qui ressemble à un coming-out. Il narre les premières amours de l’auteur avec un camarade de lycée. Le titre est une parole de la mère. La sincérité se mêle au cru, l’amour au sexe. On lit la démarche de l’écrivain en devenir. Il sait qu’il va partir, pas comme son camarde, fils d’agriculteurs, qui n’a pas le même avenir. Ce roman donne des clefs sur l’œuvre de Philippe Besson. La fin est connue d’avance.
Agnès
Martine Delomme, Le Pacte du silence. Calmann-Lévy
Elisabeth est une femme d’âge mur, belle, élégante, ayant de la culture, directrice d’une grande maison de porcelaine à Limoges. Depuis 24 ans, elle élève seule son fils, Louis ; son mari, François, a disparu subitement, c’est la version officielle. Lors d’une fête, sa grand-mère révèle une partie du secret. Pour Louis, c’est une douche froide ; il presse sa mère afin de comprendre ; en retour, elle lui promet de retrouver son père. Les démarches commencent aux portes de la prison où François a été incarcéré. Tournant en rond, Elisabeth engage alors un détective privé, Maxime, ancien policier à la retraite. Elle découvre petit à petit, les secrets, mensonges et manipulations dont elle a été victime. Mais une question la (ainsi que le lecteur) taraude : qu’est devenu François ? Pourquoi a-t-il été emprisonné ? Pourquoi a-t-il disparu totalement, sans revoir les siens ? Maxime, qui est un homme délicat, prend soin de sa cliente ; petit à petit, un lien se tisse entre eux. C’est un bon livre pour l’été.
Françoise
Marcel Proust, Du côté de chez Swann. Folio classique
Il s’agit du premier tome d’une fresque romanesque. Il compte trois parties dont Combray où on lit l’épisode de la madeleine et la notion de mémoire involontaire : les souvenirs sont provoqués par les sens. Les anecdotes sont mélangées à des parties philosophiques sur le passé, les souvenirs, les rêveries. Le narrateur évoque sa jeunesse, sa famille d’extraction bourgeoise, son entrée dans l’âge adulte, la révélation de sa vocation d’écrivain, l’écho des choses vécues.
On invoquera Un été avec Proust, recueil des chroniques diffusées sur France Inter ainsi que le film de Raoul Ruiz Le temps retrouvé.
Juliette