Séance du 9 mars 2013
Café lit-thé-raire du 9 mars 2013 à Ravenel
Pascale Albert, Micheline Boulanger, Chantal Davesne, Aurélie Deniaud, Christine Des Essarts, Claire Lempereur, Sophie Loubet, Agathe Masson, Alain Petit, Armand Poulain, Christelle Poulain et Fabrice Poulain vous présentent leurs derniers coups de coeur de lecture.
Les propos rapportés sont des avis personnels, qui n'engagent que leurs auteurs.
Point à la ligne, 1998. Pièce de théâtre en 4 parties de Véronique Olmi, éd. L'Arche.
Marco et Lili, la cinquantaine, mariés, parents de Cécile et grands-parents de Zoé, traversent une grave crise. Le point de départ du conflit est la lecture du journal intime de Marco par Lily. Très vite, nous comprenons que le malaise est plus profond, plus grave et plus existentiel... surtout pour Lily. Une pièce de théâtre sur nous, pauvres humains empêtrés dans nos contradictions, sur les relations homme/femme mais aussi sur la place des enfants au sein du couple... Une fin tranchante et sans concession. Très beau et fort.
Fabrice
La légende de Zelda : Ocarina of time, tome 2, 2009. Manga de Akira Himekawa, éd. Soleil.
Zelda est une princesse mais Ganondorf a attaqué son royaume. Pour se cacher de Ganondorf, Zelda s'est transformée en membre du peuple sheikahs. Mais Ganondorf réussit à enlever Zelda et à la retenir prisonnière en son château. Le manga raconte les aventures de Link, le jeune héros qui doit retrouver Zelda. Au cours de sa quête, Link doit rassembler les trois éléments de la triforce (être plus fort, plus courageux et plus sage) et combattre les terribles sorcières koutak : Koume et Kotake.
Armand
L'Eve future, 1886. Roman de Villiers de L'Isle Adam, éd. Gallimard, coll. Folio.
Roman du XIXe siècle, dans la veine de Frankenstein. C'est l'histoire de Ewald, un riche voyageur, amoureux de Alicia une belle jeune fille... mais très bête. Il se rend chez le célèbre inventeur Thomas Edison. Ewald se confie et expose son problème : aimer une femme belle mais bête. T. Edison se donne 21 jours pour rendre Alicia belle et intelligente. Au delà de ce délai, s'il échoue, il offrira à Lord Ewald le pistolet avec lequel il se suicidera. Edison inventera le premier robot « femme-intelligente », qui ne mange pas, ne boit pas... mais peut reproduire ces gestes humains.
Le sujet est intéressant et la langue est remarquable, l'emploi d'un vocabulaire rare ; un vrai plaisir !
Claire
Dalva, 1989. Roman de Jim Harrisson, éd.10/18.
Dans les années 1960 aux Etats-Unis, Dalva est une fille, descendante des premiers colons suédois. Garçon manqué, sans mère, elle vit avec son père éleveur de chevaux. Proche des indiens, le père de Dalva accueille Chien Brun, un métisse. Il déconseille à Dalva de le fréquenter. Bien sûr, elle le fréquente et doit abandonner l'enfant de leur union.
Dalva s'interroge sur son ascendance et sur ce qu'est « être une femme ». C'est aussi une histoire de la colonisation, de la christianisation des Etats-Unis et une critique de la société de consommation. Un voyage dans les Etats-Unis contemporains où on n'assume pas les enfants qu'on fait et où les hommes sont libidineux et gras. Il y a une suite : La route du retour.
Une belle écriture qui alterne les voix entre les personnages et le cahier du grand-père de Dalva.
Claire
Rebecca, 1938. Roman de Daphné Du Maurier, éd. Le livre de poche.
Lecture inspirée après avoir vu le film d'Hitchcok. Rebecca est la première épouse de Maximilien Winter. Riche, aristocrate, très populaire, aimant les fêtes, Rebecca a une vie rayonnante mais elle a disparu. La seconde épouse de Maximilien, la narratrice, une jeune femme timide et effacée a des difficultés pour s'imposer face au personnel de Maximilien. L'ombre de Rebecca règne toujours sur la maison créant une ambiance nerveuse, pleine de suspens, qui a séduit Hitchcok. Quand le corps de Rebacca est retrouvé, Maximilien avoue à sa femme qu'il l'a tuée. Le lecteur découvre la vérité sur Rebecca : ses amants, son mépris pour son mari, son aspect calculateur... Cette révélation va transformer la jeune épouse en femme d'action pour protéger son mari car les enquêteurs n'excluent pas l'hypothèse d'un meurtre...
Une histoire aussi sur les conventions sociales, les apparences, les rivalités entre les proches...
Alain
Mille femmes blanches, 2000. Roman de Jim Fergus.
Le point de départ de ce roman est un « fait divers » non avéré et romancé survenu en 1874 : la demande d'un chef cheyenne au général Grant d'échanger 1000 chevaux comme 1000 femmes blanches afin de perpétuer la tribu. Les américains acceptent malgré les oppositions d'une partie de la population, et proposent le marché à mille femmes blanches emprisonnées ou internées dans des asiles en échange de leur liberté, mais aussi à des femmes endettées.
L'histoire est racontée par le prisme des carnets intimes imaginaires d'une des femmes : May Dodd qui, internée à l'asile par sa famille après avoir eu deux enfants avec un mari imposé par ses parents, espère une nouvelle chance dans sa vie. Elle épouse le chef indien avec lequel elle a deux enfants. Mais ces femmes transitent par un fort américain où May tombe amoureuse d'un capitaine. Une fille illégitime naît de cet amour.
Si le fait historique n'est pas avéré, le roman relate le mauvais traitement infligé aux femmes, la déchéance et le massacre des indiens. Mais aussi la perversité des Américains pour détruire les Indiens : approvisionnement en alcool, utilisation des mille femmes pour métisser la tribu et créer un désordre entre les femmes blanches et indiennes...
Une histoire qui finit mal malgré les efforts de certains Américains, comme le capitaine amant de May, pour éviter les massacres.
Micheline
Certaines n'avaient jamais vu la mer, 2012. Roman de Julie Otsuka, éd. Phébus.
Prix Fémina étranger, 2012.
Au XIXe siècle, des hommes japonais migrent aux Etats-Unis pour travailler la terre et faire fortune. 20 ans plus tard, se sentant seuls face à leurs désillusions, leur étant impossible d'épouser des américaines, ces hommes envoient au Japon des photos d'eux... 20 ans plus jeunes. De jeunes Japonaises sont séduites par ses hommes et l'idée de réussir leur vie dans le Nouveau Monde. La traversée du Pacifique est une première épreuve : maladies, fièvres et premières mortes. Arrivées aux Etats-Unis, c'est une deuxième épreuve : leurs futurs époux ont 20 ans de plus que prévu, ils travaillent la terre et souvent au service de quelqu'un d'autre ce qui est très négatif dans la mentalité japonaise. Ces jeunes femmes se retrouvent alors réduites à faire des enfants, travailler dans les champs, faire les ménages chez les riches Américains. Au mieux certains couples de Japonais ouvrent une blanchisserie ou un restaurant.
L'histoire se prolonge jusque la deuxième guerre mondiale où les enfants de ces japonaises sont soldats dans l'armée américaine et au même titre que les noirs, ils n'ont pas de responsabilités et sont envoyés en premières lignes. Après Pearl Harbour, les familles japonaises aux Etats-Unis sont déportées à l'intérieur des terres américaines dans des camps de concentration.
Le roman plonge le lecteur dans les stéréotypes et la ségrégation raciale aux Etats-Unis.
L'écriture de ce roman est vraiment particulière et originale. D'abord, la narration utilise le deuxième pronom du pluriel, « nous ». Ce « nous » désigne toutes ces japonaises. Ensuite, les activités des femmes sont présentées de manière thématique, ressemblant à un catalogue : le travail de la terre, l'accouchement, les échecs, les réussites... D'apparence ennuyeuse ce procédé ne l'est pas du tout ! Enfin les phrases sont courtes, l'écriture est concise, épurée, retenue, il n'est pas besoin d'en dire plus ; assez proche de la manière d'écrire des auteurs japonais. Donc, une écriture risquée mais réussie qui retranscrit bien ces vies de fous...
Christine
Aurélie n'a pas aimé ce roman !!!! Si elle reconnaît que l'aspect historique est très intéressant, Aurélie regrette les procédés d'écriture. D'une part, le « nous » collectif, s'il fonctionne dans les premiers chapitres, s'essouffle vite. Elle aurait préféré suivre une ou plusieurs femmes choisies. L'emploi du « nous » ne fait apparaître aucune forme et perd le lecteur. D'autre part, la présentation thématique des tâches des femmes vire au catalogue.
Un point d'accord entre Christine et Aurélie : ce livre ne laisse pas indifférent, soit on l'aime, soit on le déteste.
Le confident, 2012. Roman de Hélène Grémillon, éd. Gallimard, coll. Folio.
Dans les années 1970, une jeune trentenaire, correctrice dans une maison d'édition vient de perdre sa mère. Dans la foulée, elle reçoit des lettres tous les mardis. Ces lettres ne sont pas nominatives et ressemblent davantage à des fragments de textes plutôt qu'à des lettres. Evidemment, elle s'interroge : qui est l'expéditeur ? Que signifie ce texte ? Pourquoi à elle ?... Mardi après mardi, l'histoire prend du sens : dans les années 40, un jeune garçon est amoureux d'une jeune fille de son village. Tous deux sont de conditions modestes et la jeune fille est passionnée par la peinture. Tout bascule le jour où cette jeune fille rencontre une femme plus âgée, issue de la société parisienne, fraîchement mariée, qui vient séjourner dans sa maison de maître dans le village. Cette femme n'arrive pas à avoir d'enfant et se lie d'amitié avec la jeune fille.
La seconde guerre mondiale éclate et la femme va entraîner la jeune fille dans une histoire machiavélique...
Ce roman nous emporte dans des rebondissements multiples et nous tient en haleine jusque la dernière page : du suspens bien ficelé !
Aurélie
L'heure trouble, 2009. Roman policier de Johan Theorin, traduit du suédois, éd. Le livre de poche.
Dans une ambiance nordique, sur une île, dans le froid et le brouillard, un espace nébuleux qui rappelle l'Islande d'Indridasson, un enfant de cinq ans disparaît. Vingt ans après cette disparition, un indice relance l'enquête que mènent la mère et le grand-père de l'enfant.
L'écriture alterne un chapitre sur deux entre le présent de l'enquête et des flash-back vingt ans auparavant, au moment de la disparition. Un personnage mystérieux hante le roman, un personnage qui aurait été mêlé à la disparition de l'enfant. Est-ce le fantôme de cet homme qui revient vingt ans plus tard ? L'auteur nous promène vers le surnaturel, nous entraîne vers des pistes irrationnelles... Les hypothèses que nous échafaudons se révèlent avoir des explications bien rationnelles et nous sommes toujours... « à côté de la plaque » !
Un dénouement plus triste que ce qu'on aurait imaginé.
Sophie
Prédation, 2007. Thriller psychologique de Jérôme Camut et Nathalie Hug, premier épisode d'une tétralogie, éd. Le livre de poche.
C'est l'histoire d'un psychopathe dont les modèles sont Pol Pot et le colonel Kurtz dans Apocalypse Now. Le thriller est construit selon trois points de vue : celui du psychopathe, celui de ses victimes et celui des enquêteurs. Certains passages sont très « durs » psychologiquement car ce roman nous questionne, chacun d'entre nous peut se reconnaître dans les trois regards. Comme pour ses victimes, le psychopathe, qui incarne le mal nous est attachant (syndrome de Stockholm). Cela crée un malaise chez le lecteur qui se demande : comment est-ce que je me positionne ? Un roman sur la manipulation et sur l'acceptation d'être manipuler...
Le méchant n'est rien d'autre qu'un être humain, comme tout un chacun. Ce roman fait écho à La part de l'autre d'Eric-Emmanuel Schmitt qui met en scène deux Adolf Hitler : celui que l'on connaît et celui qu'il aurait pu être s'il n'avait pas échoué à l'académie des Beaux-Arts.
Chantal
Les enfants d'Alexandrie, 2011. Roman de Françoise Chandernagor, éd. Albin Michel.
Même si les trois enfants de Cléopâtre et Marc-Antoine ont existé et même s'ils sont mis en scène dans cette histoire, ce n'est pas un roman historique ! Voici le parti pris de l'auteur : je ne suis pas sûr du contenu historique et je romance ! Le lecteur voit donc l'histoire de l'Egypte à travers les yeux de la fille de Cléopâtre, Séléné, il voit l'envers du décor. Ce roman pose aussi la question du pouvoir et de la place des enfants dans le pouvoir. Que signifie être la fille de Cléopâtre ? Peut-on être aussi belle et puissante que sa mère ? Comment sert-on le pouvoir de ses parents : sans s'en rendre compte ou bien volontairement ? Comment Séléné devient une reine... la « reine oubliée ».
Pascale
Le sermon sur la chute de Rome, 2012. Roman de Jérôme Ferrari, éd. Actes Sud.
Prix Goncourt 2012.
Deux histoires qui se croisent dans ce roman. D'un côté, celle de deux amis et de leur bar. Libero, originaire d'un village corse et Matthieu, le parisien qui vient en vacances dans le village corse, font des études de philosophie importantes. Mais leur objectif est de relancer le bar du village corse. La vie de Matthieu va fusionner avec la vie du bar et l'espoir de construction d'un monde idéal. Libéro, lui, prendra du recul et connaîtra le sentiment du « ça sert à rien ! ». D'un autre côté, cette histoire est entrecoupée par celle du grand-père de Matthieu qui, après avoir essayé de s'extraire de la Corse, revient y mourir. Donc, deux générations différentes qui se croisent. Et, au milieu, Aurélie, la soeur de Matthieu, regarde son frère s'enfoncer et perdre son âme dans son bar. Une tragédie.
Le titre s'inspire du texte que St Augustin a dit à Hippone sur la fragilité des royaumes terrestres et leur aspect éphémère. Le sermon est réécrit à la fin du roman.
L'écriture est très agréable, composée de phrases extrêmement longues qui donnent une belle musicalité.
Agathe
Oedipe Roi, 2006. « Traduit du mythe par Didier Lamaison », éd. Gallimard, coll. Série Noire.
Une réécriture du mythe d'Oedipe... version série noire. On connaît l'histoire, on connaît les personnages et même la fin, pourtant on est pris par le suspens ! Du plaisir !
Agathe
Vue sur la mère, 2008. Premier roman de Julien Almendros, éd. Le Dilettante.
Un roman centré sur le personnage de la mère. Une mère terrible entre Folcoche de Hervé Bazin et celle de Romain Gary. Le personnage du père est discret, fragile mais intéressant.
L'écriture est originale, sous forme de dialogue, elle rappelle le théâtre. L'épilogue permet de lire le texte de différentes manières. Dérangeant. Coup de poignard. Pourvu que vous n'ayez pas une mère comme celle-ci.
Agathe
Le diable tout le temps, 2012. Roman noir de Donald Ray Pollock, éd. Albin Michel
Plusieurs histoires se croisent dans ce roman situé dans l'Ohio entre 1945 et les années 1960. On commence avec le retour d'un GI de la 2eme guerre mondiale dans le Pacifique. Il tombe amoureux d'une serveuse, ils se marient et ont un fils, Arvin, le personnage principal. En parallèle, nous suivons la vie d'un prédicateur fou et de son acolyte guitariste en fauteuil roulant. Et l'histoire de Léonora, la fille abandonnée du prédicateur et élevée avec Arvin. Et puis encore l'histoire du couple Carl et Sandy, la soeur du shériff Bodecker, qui profitent de leurs vacances pour chercher des « modèles » pour leurs photographies. Un monde où chaque personnage a son addiction : alcool, religion, sexe... ! Pourtant tout est lié... peut-être par le diable tout le temps.
Ce roman fait écho à Seul le silence de James Ellory.
Christelle
Prochaine séance le samedi 22 juin 2013 15h à Paillart.
Le Café li-thé-raire est organisé par l'association l'Art du Hasard.
Pour plus d'informations :
- http://www.lartduhasard.fr.gd/
- artudhasard@wanadoo.fr
- 03 44 78 28 25